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Cet autre qui grandissait en moi - Tome I & II L’homosexualité à l’adolescence pas facile à vivre. Toutes sortes de questions se bousculent dans la tête de Bryan mais à qui les poser ? Il est prêt à le nier avec une énergie farouche. Seulement voilà, faire taire ses sentiments n’est pas qu’une question de volonté.

Coming out - Préjugés et acceptation - Si tu avais été...

Alexis Hayden

Si tu avais été... Tome 2    

Couverture Tome 2

 

Coming out - Préjugés et acceptation - Extrait du Chapitre 23

 

Le lendemain matin, ma mère entra dans la chambre pour nous réveiller. Je n’avais pas verrouillé la porte la veille. Elle resta un moment en arrêt devant le lit. Nous étions nus, endormis, corps contre corps, dans les bras l’un de l’autre, unis et réjouis, la mine tranquille. Elle fut gênée et ressortit sans rien dire, juste au moment où j’ouvris un œil. Je me dégageai délicatement des bras de mon copain et restai un moment assis sur le bord du lit. J’essayais de réfléchir puis, laissant Kévin dormir, je passai dans la salle de bain et descendis. Ma mère faisait une drôle de tête. J’évitai son regard pour m’asseoir à table et déjeuner.

-          Tu ne me dis pas bonjour ce matin ?

-          Quand je vois ta tête, j’ai peur, répondis-je.

-          J’ai de quoi faire la tête, non ?

-          Je vais t’expliquer.

-          J’espère bien ! répliqua-t-elle en haussant le ton.

Mais je ne savais pas quoi dire. Je me pris la tête entre les mains. Je regardai ma mère… Ça n’allait pas être facile. Ce moment que je redoutais tant était enfin arrivé !

-          Arrête de me regarder comme ça, on croirait que j’ai commis un crime.

-          Ce n’en est pas un ?

-          Si toi tu le penses, qu’est-ce que vont dire les autres !

-          Mais que se passe-t-il Bryan ?

-          Rien. Kévin et moi nous nous aimons, c’est tout !

-          Mais ce n’est pas possible ! Je croyais que Kévin sortait avec Laetitia !

-          Qui t’a dit ça ?

-          Vous ne me l’avez pas dit mais vous me l’avez laissé croire.

-          Parce que tu crois qu’on peut décider pour toi ? Tu ne crois uniquement que ce que tu as envie de croire et tu comprends toujours tout de travers.

-          Depuis quand ?

-          Depuis qu’on se connaît.

-          Depuis le mois de Mai ?

-          Non, bien avant.

-          Mais vous ne vous connaissiez pas avant ! s’insurgea-t-elle.

-          Ce n’est pas la peine de crier. On ne se connaissait pas mais on s’aimait.

-          Comment est-ce possible ?

Sa question m’agaça mais je savais que je ne pourrais pas y couper.

-          Je n’en sais rien mais c’est comme ça. Il est arrivé au lycée, en début d’année et dès le premier jour, je n’ai vu que lui. Ensuite, plus le temps passait et plus j’étais sous le charme, voilà c’est tout.

-          Sous le charme !

Elle fit non de la tête. Je réalisai qu’elle était loin d’admettre ou de comprendre. Elle reprit en disant :

-          Vas-y, je t’écoute.

-          Oh non, je ne crois pas… Je ne crois pas que tu sois prête à m’écouter. Alors à quoi bon !

Elle se calma et changea de ton. Elle comprit que si elle continuait, je ne lui dirais plus rien.

-          Tu voulais m’expliquer !

-          Il n’y a rien à expliquer. Je l’aime, c’est tout.

-          Depuis le début de l’année ?

-          Oui ! Petit à petit, il est entré dans ma vie. Je n’osais pas lui parler jusqu’à la brocante. Là, ça a été le détonateur.

-          Ça va être de ma faute !

-          C’est la faute de personne. Ce serait arrivé un autre jour de toute façon !

-          Mais ce n’est pas normal ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je n’ai pas été une bonne mère pour toi ?

-          Mais si ! Quel rapport ? Ça n’a rien à voir ! Qu’est-ce qui n’est pas normal ? D’avoir des goûts différents ? Il y a une normalité déposée ? La réalité, c’est que nous sommes là et que nous nous aimons comme des fous. Alors tu peux dire tout ce que tu veux, que ce n’est pas normal, que c’est immoral, contre nature ou je ne sais quoi, mais nous ne sommes pas les seuls. Il y a des milliers et des milliers de jeunes et de moins jeunes sur terre qui vivent les mêmes choses que nous. Que faut-il faire ? Les pendre tous, comme en Iran ? Les gazer ? Hitler a essayé, il a échoué !

-          Il ne s’agit pas de ça. Mais mets-toi à ma place, j’ai un fils tout à fait normal…

-          Normal ? Ça veut dire quoi ça, normal ?

-          Normal. Sans handicap, qui est beau et en pleine santé… Je m’attendais à autre chose… Que tu rencontres une jeune fille de ton âge, que tu l’épouses et que vous ayez des enfants. Je ne sais pas, des choses ordinaires qui arrivent à tout le monde, est-ce trop demander ?

-          Ah ouais ! Un monde parfait ! Eh bien, je ne le suis pas, ni ordinaire, ni parfait. Mais je ne suis pas non plus ni un monstre, ni un dégénéré… Ce n’est plus une maladie mentale. Je suis comme je suis, tu ne me referas pas. Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Je me suis seulement laissé aller à suivre mes sentiments. Est-ce un crime ? Je n’ai pas le droit d’aimer ? Si ! Mais pas lui, c’est ça ? Seulement, on ne choisit pas. Tu crois qu’on peut lutter contre ? Tu crois que je n’ai pas essayé ? Mais plus je me refusais d’y croire et plus je l’aimais ! Qu’est-ce que j’y peux ? – Je posai ma main sur la table. – Si je dis à cette main de ne pas bouger, elle ne bouge pas. Mais je n’ai pas ce pouvoir sur mon esprit, ceux qui croient l’avoir se trompent. Tu crois qu’on peut commander à son cœur d’arrêter de battre ? Tu crois qu’on peut faire taire ses sentiments ? Tu crois qu’on peut les refouler au plus profond de soi, pour s’en libérer ? Tu crois que ce n’est qu’une question de volonté ? Non, on ne peut pas. J’ai essayé tout ça en vain. Tout a refait surface avec une force décuplée, j’ai cru que j’allais devenir fou !

J’avais un nœud dans la gorge et les larmes commencèrent à couler sur mes joues. Je continuai…

-          Tu ne comprends pas parce que tu n’es jamais passée par là. Chaque humain sur terre ne comprend que ce qu’il a vécu. Quand on voit quelqu’un faire des choses différentes, on se dit : « Moi, à sa place, j’aurais fait ci ou j’aurais fait ça ! » Seulement, on n’est pas à sa place ! Comment disait la chanson ? « Les braves gens n’aiment pas que… L’on suive une autre route qu’eux ! » C’est tout à fait ça, il n’y a rien de changé ! Mais voilà, j’ai des goûts et des préférences. Les filles, ce n’est pas mon truc, à l’exception de quelques-unes, je les trouve tout à fait quelconques. Je flashe plus sur les mecs. C’est comme ça, je n’y suis pour rien.

Je parlais fort et pleurais en même temps. Il y eut un silence, puis ma mère reprit d’une voix étrangement douce et calme :

-          Depuis quand ?

-          Depuis toujours, la première fois que je suis tombé amoureux, j’avais six ans.

-          Ce n’était qu’un copain. À cet âge-là, c’est normal.

-          Oui, peut-être… mais je l’aimais vraiment et depuis, j’en ai aimé plein d’autres.

Ma mère me regardait étonnée.

-          On croit toujours tout connaître de nos enfants, dit-elle, alors qu’en fait, on ne sait jamais rien d’eux !

-          Avant Kévin, je m’en doutais un peu. Il m’a permis de lever le doute. Il est arrivé au bon moment et a comblé un vide immense dans ma vie.

Les larmes coulaient, je me tus. Ma mère réfléchit quelques secondes. Elle faisait oui de la tête.

-          Je le sais bien. Depuis qu’il est entré chez nous, il y a une joie de vivre que nous n’avions pas avant. Je ne te reconnais plus, tu es métamorphosé. Avant, tu n’avais jamais envie de rien. Soudain, je t’ai vu t’enthousiasmer pour tout… Pour tout ce qui concernait Kévin, bien sûr ! Mais je pensais que tu avais trouvé un ami, pas un amant ! Moi aussi, je l’aime beaucoup. Il est très attachant et drôle, avec un optimisme extraordinaire, même si parfois vous pleurez tous pour des raisons qui m’échappent complètement… Raisons que je vais peut-être mieux comprendre maintenant, je ne sais pas ! Mais Bryan, je ne pouvais pas m’imaginer… Et Stéphanie ?

-          C’était un leurre.

-          Un leurre ! Qui voulais-tu leurrer ?

-          Toi… Tout le monde… Je ne suis pas prêt à assumer mon homosexualité ouvertement. Et quand je vois ta réaction, je n’ose même pas imaginer celle des autres. Je ne suis pas stupide…

-          Parfois je me le demande ! me coupa-t-elle.

-          Je sais très bien qu’un jour ou l’autre ça se saura. Il ne s’agit que de gagner du temps. En attendant, nous vivons tranquilles et heureux.

-          J’ai vu cela tout à l’heure ! Vous avez déjà eu des rapports sexuels ? demanda ma mère après quelques instants de mutisme.

-          Ça, c’est une question indiscrète.

-          C’en est une, confirma-t-elle en haussant à nouveau le ton. Mais je te rappelle que vous êtes mineurs tous les deux et que vous êtes chez moi, alors j’ai peut-être le droit de savoir.

J’hésitai un moment mais je compris tout de suite, que je ne pourrais pas éluder la question. Alors je répondis à ma façon :

-          Oui, et il est très beau.

-          Et tu me dis ça, comme ça !

-          Ne me pose pas de questions si tu n’es pas prête à entendre les réponses.

Elle fut surprise de cette repartie. Pas de doute, elle comprit que j’étais prêt à l’affronter et à me défendre...

 

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